Chapitre -1 : La fuite du Vetus Ferro Core

De la fumée s'élevait depuis le point d'impact, là où le module s'était écrasé et avait pronfondément marqué le sol. Ce panache noir était clairement visible au milieu des dunes violettes foncées de ce monde mourant. Mais au moins, il était en vie pensa Rigor Mortis en se retournant vers ses troupes. Tous ceux qu'il avait choisi pour l'accompagner étaient là, et malgré l'étroitesse de la fine fusée de sauvetage, ils avaient tous survécu au choc. Ainsi, même si le plan avait failli échoué, finalement tout était revenu au bon timing. Tout, sauf un point, et le plus important. Le sergent terminator leva les yeux au ciel. Malgré les nuages qui encombrait l'espace au-dessus de sa tête, Rigor Mortis aurait du pouvoir apercevoir les signes d'une bataille spatiale, s'il y en avait une. Normalement, on pouvait distinguer des tâches rouge-orangée et des traits d'un bleu pâle lorsque les mastodontes d'une flotte spatiale s’entre-tuaient Et là, l'atmosphère paraissait calme comme si la flotte de ses alliés n'avaient pas engagé le combat. Rigor Mortis refusait d'y croire :
"Fides, compte-rendu de la situation ! Tout de suite !
-Le module s'est écrasé à l'emplacement prévu, en comptant les marges d'erreur. Tous les passagers sont présents et opérationnels. Notre objectif semble bien être à l'emplacement prévu.
-Et la sutation en orbite ?" grogna le seigneur.
Fides parût hésité un instant, puis lâcha :
"Nous avons perdu tout contact, les communications embarquées dans le module n'ont pas bien résisté à l'impact.
-Et toi Potentia, que vois-tu, que sens-tu ?!"
Potentia sursauta à cet ordre, comme si on l'avait tiré d'un rêve. Puis il s'arrêta de respirer et l'air autour de son armure commença à vibrer, comme sous l'effet de la chaleur; il était entrain de sonder l'Immaterium.
-Je ne sens rien proche de nous. répondit-il. Mais en revanche, je sens le warp être perturbé au loin. Nos alliés ont rebroussé chemin."
Rigor Mortis inspira alors pronfondément, fit sielnce puis se contenta d'ajouter :
"Ils me le payeront. Tous."
Malgré cette apparence calme, Odium sembla se réveiller et se mit à grogner comme un loup en chasse. Ce signe trahissait le fait que la haine était entrain d'envahir Rigor Mortis et par prudence les Ferrum Bellatores reculèrent d'un pas. Rigor Mortis leur adressa un regard, et déclara :
"Ne vous inquiétez pas mes frères, cela n'est qu'un léger contre-temps. Vous connaissez notre mission, vous savez que nous devons atteindre l'objectif au plus vite. Alors en route !"
Et, faisant volte-face, il se mit à marcher.

Ils avaient toujours étaient six, aussi loin que les souvenirs de Rigor Mortis portaient. Depuis son entrée dans le chapitre, au rang de scout, jusqu'à sa trahison du credo impérial, il avait toujours été accompagné par ces cinq Space Marines. Et durant tout ce temps, c'est lui qui avait toujours pris la tête de leur escouade, quelque soit la position de celle-ci au sein de leur ancien chapitre. Bien-sûr, ils n'étaient pas que six, et ils ont été très fréquemment mélangé à d'autres frères de bataille pour pouvoir former des escouades valables, mais lui et ses cinq frères avait montré une grande capacité à échapper à la mort, et n'avaient jamais été séparé. Une telle particularité n'était pas passée inaperçue au sein du chapitre, et ils avaient reçu le surnom de "quintet Mortis" en l'honneur de leur sergent. Bien que ce sobriquet soit à la fois flatteur pour Rigor Mortis et dépréciatif pour le reste de ces hommes, aucun n'avaient protesté.
Malgré cette grande proximité, Rigor Mortis ne connaissait d'eux au final que ce que la guerre ou leur fanatisme avait bien voulu lui montrer. Il n'avait absolument aucune idée de leur passé, et lui-même ne se souvenait que très peu du sien. Depuis toujours, une sorte de convention muette avait régit ce groupe, donnant à chacun une place qu'il ne pouvait changer et qu'il devait assumer. C'est peut-être pour cela que le nom "quintet Mortis" avait été accepté sans mot dire, comme d'ailleurs bien des décisions. Ces rôles prédéterminés clôturaient chacun à une position, ne leur donnant qu'un rôle à assumer à la fois, permettant à l'escouade cette si étonnante coordination silencieuse qui la caractérisait. Au final, leur trahison en faveur du chaos pouvait presque être considérée comme un simple aspect de cette mystérieuse convention, tout comme les allégeances de chacun des terminators.
Voluptas avait toujours recherché les sensations fortes, et était d'un naturel très spontané. Cette quête de ressenti l'avait souvent entraîné dans des situations périlleuses et il avait frôlé plusieurs fois la mort. De telles expériences ne pouvait pas lui laisser un esprit sain, et il suffisait de parler avec lui pour se rendre compte de son impatience et de sa faible capacité de concentration. Ses discours étaient toujours très décousu, il passait d'une idée à l'autre sans arrêt et il lui arrivait de perdre le fil de ses pensées très rapidement. Pourtant, rien de tout cela ne se voyait quand on le regardait. Son visage, semblable à celui d'une sculpture grecque, restait perpétuellement inexpressif, comme si il eu été faire dans le même matériau que son armure terminator, qu'il idolâtrait. Seuls ses grands yeux vifs semblaient vivant. Ils étaient toujours en mouvement et ne se fermaient jamais, comme si le terminator n'avait plus de paupières. Son style de combat prônait surtout les attaques par surprise, rapides et mortelles, et l'avait poussé à adopté une lance énergétique comme arme principale et il s'était naturellement imposé comme l'éclaireur du quintet. Lorsque l'escouade passa du côté des Dieux Sombres, Voluptas embrassa le culte de Slaanesh dans toute sa gloire, qui s'était montré très heureux de compter dans leur rang un être aussi vif et aussi avide de sensations.
Par cette conversion, Voluptas s'était quelque peu brouillé avec Sanguis, qui avait rejoint les rangs des serviteurs du Dieu du Sang. Son physique avait toujours semblé avoir été taillé pour cela, car il possèdait une musculature puissante, avec des épaules et un torse épais, et son nez cassé lui donnait l'air d'un boxeur de l'ancienne Terra. Et pourtant, son caractère était aux antipodes de sa foi et de son physique. De tout temps, et quelle que soit les circonstances, Sanguis était calme. Contrairement à bien des serviteurs de Khorne, il n'était jamais rendu aveugle par le voile de la colère lors des combats et portait toujours un regard froid, distant et mortellement méthodique sur les événements, quels qu'ils soient. Pour lui, le seul intérêt d'une bataille était le fait qu'elle pouvait lui apporter des guerriers ennemis à sa hauteur et desquels il pouvait espéré un beau combat quand ils les défiait. Afin de pouvoir satisfaire son insatiable soif de défi, Sanguis s'entraînait sans relâche au maniement des très nombreuses armes énergétiques qu'il arborait au combat et était devenu le champion, le garde du corps et l'exécuteur attitré de Rigor Mortis. C'était cet attrait pour la perfection martiale qui l'avait poussé dans les bras de son dieu colérique.
Necrosis était aussi agité physiquement que Voluptas l'était moralement. Le seul trait caractéristique de son visage banal était son sourire éternel, que rien, aucune situation aussi bien qu'aucune personne, ne pouvait lui ôter. C'était toujours lui qui remontait le moral des autres, toujours lui qui plaisantait au milieu des combats, toujours lui qui était heureux, même au milieu de la mort. Autrefois, ses techniques de combat ne présentaient pas de spécialisation particulière, son armement, une épée énergétique et un fulgurant, était banal et son rôle au sein de l'escouade était flou. Mais la première fois que Necrosis pénétra dans une église de Nurgle, il trouva un écho à sa bonheur et à sa jovialité parmi ces cultistes, et leur proximité lui fut si réconfortante qu'il plongea à corps perdu dans ce culte. Depuis, il a adopté les armes de son dieu, une masse et un horrible crache-pus, et est devenu un expert anti-infanterie parmi ses frères.
Contrairement à Voluptas et Sanguis, Necrosis et Potentia s'était de tout temps bien entendu et cela avait perduré malgré leurs cultes qui désormais les opposaient. Pourtant, bien au-delà de leur divinité, leur caractère était très différents. Potentia était calme, disant, introverti, austère. Il parlait peu, et évitait autant que possible de donner son avis. De la même façon que Voluptas, le visage de Potentia n'exprimait rien et semblait de marbre. Mais pour lui, cela était pleinement justifié, car il semblait ignorer le monde autour de lui. Son esprit était toujours ailleurs, accaparé par d'autres réflexions, d'autres idées, d'autres dimensions. Il méditait et lisait beaucoup, et même le quintet Mortis le voyait peu en dehors du champ de bataille, tant il avait tendance à se réfugier à tout moment dans sa bibliothèque privée. Lorsqu'il était présent au combat, il semblait qu'en réalité il n'était venu que parce que sa présence était nécessaire pour remplir une quelconque formalité, et il remplissait sa tâche en s'en tenant au strict nécessaire, sans zèle ni passion. Très rapidement, Rigor Mortis lui avait confié le maniement des armes lourdes que son escouade avait à disposition, ce qui s'était avéré être un choix judicieux, car dans son obsession de jouer son rôle et uniquement son rôle Potentia rendait chacune de ses balles mortelles.
Le dernier membre du quintet, et non le moindre, était Fides. De tout temps, il avait été le second et le porte étendard de Rigor Mortis. À l'inverse de tous ses frères, il ne s'était pas dédié aux Dieux du Chaos, et il semblait d'ailleurs garder une certaine distance vis à vis d'eux et de leurs cultes. Bien qu'étant son bras droit, Rigor Mortis le connaissait assez mal. Très tôt, il s'était rendu compte de sa grande capacité à diriger des guerriers selon ses ordres et à faire le lien entre le seigneur de guerre et le reste des troupes. Et à cause de cette faculté, Rigor Mortis l'envoyait aussi souvent que nécessaire mener des actions de recrutement, de réorganisation ou de direction d'un groupe de combat secondaire. Même si il portait en permanence l'étendard de son sergent sur le dos de son armure terminator, Fides est assez peu présent dans l'escouade et Rigor Mortis savait encore moins de choses sur lui que sur les autres. D'ailleurs, sa personnalité ne montrait pas d'aspérités ou de défauts particuliers, et son visage était assez discret. Tout son être semblait s'accorder à cette tâche de gestion de second plan. Même pour son équipement il avait composé en fonction de Rigor Mortis et il portait un gantelet énergétique, en souvenir de la fois où son seigneur s'était retrouvé en difficulté face à dreadnought et afin de ne plus laisser une telle situation se reproduire.
Tous les aspects que Rigor Mortis connaissaient de ses lieutenants étaient liés à leur expérience guerrière commune, et certaines fois, durant les instants de répit surtout, il lui arrivait de s'en désoler. Mais ce qui les attendait était tout sauf un instant de répit. Rigor Mortis s'avança jusqu'au sommet des contours du cratère, et ce qu'il vit dans le fond de ce dernier le fit sourire. Il leva alors Odium, et commença à dévaler la pente en hurlant :
«En avant guerriers du Vetus Ferro Core ! Vos ennemis vous appellent, ils vous réclament leur mort, allez leur apporter !»

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas mangé, trop longtemps même. Bientôt, la brûlure dans son ventre deviendrait si impérieuse qu'il dévorerait tout ce qui aurait le malheur de se trouver sur son passage jusqu'à ce qu'il soit repu. Il jeta un regard en direction des Ferrum Bellatores. En temps normal, leurs puissances se valaient et un affrontement direct ne lui aurait rien apporté. Mais de plus, en cet instant, aucun d'entre eux ne semblait avoir faim. Ils ignoraient d'ailleurs sans doute à quel point cela les rendait chanceux. Il sentit la haine monter en lui. Il avait de plus en plus envie de les attaquer. Il lui fallait se nourrir, et sa colère remplacerait les aliments qui lui étaient nécessaires pour ce combat. Il accéléra légèrement, afin de se rapprocher doucement de ses proies. Il songeait déjà au festin qu'il allait faire.
«Non !»
L'ordre résonna dans sa tête comme un coup de canon. Pourtant, aucune parole n'avait été prononcée. Il se retourna et regarda alors vers le seul qui avait ce pouvoir. Rigor Mortis soutint son regard, et continua comme pour le rassurer :
«Bientôt mon cher Canis, bientôt»
Le Ferrobrutus se détendit alors, sa démarche se fit plus souple. Lorsque la lueur rougeâtre d'Odium se fut complètement éteinte, il détourna enfin le regard de son maître. Pour beaucoup, cette lame n'était qu'une simple épée démon. Une formidable arme certes, mais une simple épée démon quand même. Ils ne soupçonnaient pas à quel point elle était bien plus que ça. L'être qui l'habitait n'avait pas été soumis et enfermé à l'intérieur, mais il avait proposé spontanément ses services à Rigor Mortis en échange des âmes de ses ennemis. Grâce à Odium, ce dernier pouvait communiquer avec les créatures du Warp. Cette arme servait ainsi de traducteur entre le seigneur et lui, Canis Rabiosi, le ferrobrutus, son fidèle chien de garde.
La marche continua selon son rythme normal, comme l'avait ordonné le seigneur. La faim de Canis gagnait du terrain, grandissant peu à peu la menace d'une attaque de sa part. Rigor Mortis, au fond de lui, il savait ce que cela représentait, et le prix à payer pour calmer la machine-démon serait trop important pour qu'il puisse laisser cette éventualité se présenter. Il fallait l'éviter. C'est pourquoi il sourit sous son heaume lorsqu'il vit un cratère au loin. Bientôt, la troupe en arriva au bord. Il s'avança jusqu'au sommet des contours du cratère et regarda dans le fond de ce dernier. Puis il leva alors Odium, et commença à dévaler la pente en hurlant :
«En avant guerriers du Vetus Ferro Core ! Vos ennemis vous appellent, ils vous réclament leur mort, allez leur apporter !»
Canis ne comprenait rien à la langue des hommes, mais Odium lui retransmis les attentes de son maître et il comprit bien vite. Son rôle serait d'éliminer les blindés adverses. Cela lui allait parfaitement, il pourrait ainsi se rassasier. Le Quintet Mortis était maintenant sur les talons de son maître tandis que les Ferrum Bellatores descendaient plus prudemment, en se protégeant derrière leurs boucliers tandis que leurs bolters Poena faisaient des ravages parmi les gardes à couvert. Mais tout cela n'intéressait pas Canis. Il avait repéré sa proie. Un magnifique escadron de Leman Russ trônait dans le fond du cratère, leurs armes se pointant lentement sur la force du Chaos qui fondait sur eux. Cela serait parfait comme apéritif. Le ferrobrutus se replia alors sur lui-même, calculant son saut, avant de détendre son corps d'un coup sec. La force de ce mouvement lui permit d’atterrir plus bas dans le cratère que son maître. En heurtant le sol, la machine démon fit trembler le sol. De nombreux rochers se détachèrent des parois et la poussière vola haut dans les airs, le recouvrant entièrement. Il était à moins d'une foulée des chars. Se précipitant sur eux, il frappa violemment de sa tête celui qui lui faisait face. Le flanc éventré, une chenille détruite, la tourelle endommagé, le moteur connaissant un incendie, le glorieux char décolla du sol. Son vol prit fin lorsque qu'il s'écrasa tel un météore en plein sur un nid de mitrailleuse, une dizaine de mètres plus loin. Le réservoir et les munitions explosèrent simultanément, et des hurlements se firent entendre alors que la colonne de flammes s'élevait. Les auspexs démoniaques de Canis n'y relevaient plus la présence d'âmes, les humains ayant tous été tué. Un sourire mauvais se dessina sur sa gueule. Ce n'était pas mal du tout pour un premier sang. Les âmes des mortels aspirées dans la fournaise qui brûlaient en son sein le revigoraient, et la morsure de la faim se fit moins présente. Ayant repris des forces, le ferrobrutus inspira profondément, l'apport d'oxygène faisant rougeoyer le feu présent dans sa gueule, et hurla. Le cri, venu à la fois du fond du Warp et des systèmes d'une machine impie, perfora les tympans des humains, saturant leurs sens et endommageant leurs cerveaux. Canis comprenait maintenant l'affection qu'avait les noise marines pour les armes soniques. Leurs équipages morts ou agonisants, les mortels chars n'étaient plus désormais que des cibles faciles, des jouets même. Frappant un autre des Leman Russ de ses pattes monstrueuses, il parvint bien vite à arracher son toit de la même façon qu'on ouvrait une boîte de conserve. Regardant à l'intérieur, ses yeux luisants du feu de l'envie, le ferrobrutus fut satisfait de voir qu'en plus d'avoir survécu, les humains ne s'étaient pas évanouis. Ils auraient conscience de leur propre mort. Enfonçant sa gueule dans l'habitacle, Canis commença à les avaler les un après les autres. Leur corps ne le nourrissaient nullement pourtant, seules leurs âmes l’intéressait. Mais une âme qui souffre a plus de saveur, et il connaissait très bien les tourments cruels que pouvaient infliger ses dents aux corps matériels. Les bruits des crocs métalliques écrasant les os, les hurlements de douleurs de ceux qui survivaient au premier coup de mâchoire, le sang gouttant de la gueule de la machine et des cadavres qu'elle tenait, les organes sortant des corps mutilés par les trous dans les tissus que causait le démon, tout le spectacle de festin macabre que Canis se plaisait à jouer, tout cela répandait aussi la peur parmi les alliés de ses victimes. Il aimait beaucoup quand cette odeur flottait dans l'air, cela le mettait en appétit. En ayant fini avec le deuxième Leman Russ, il s'en détourna pour scanner rapidement le dernier. Mais dans celui-ci, tous les humains avaient déjà succombé.
Avant que la déception n'ait eu le temps de s'installer dans l'esprit de la bête, trois traits de feu sifflèrent droit vers sa tête. Prévenu à temps par ses sens démoniaques, Canis bondit en arrière, les tirs des canons lasers s’écrasant juste devant lui, et il tourna sa tête en direction de ses agresseurs. Une demi-douzaine sentinelles semblaient le défier. Plaqué contre le sol, s'avançant lentement, esquivant prestement les tirs des marcheurs, le ferrobrutus ronronnait déjà de plaisir. Il était maintenant repu, et le souvenir même de sa faim avait disparu. Canis trouvait qu'aujourd'hui était vraiment un bon jour finalement. Les bruits de la bataille et les cris des gardes résonnèrent encore pendant de longues heures.

Depuis hier, il y a des dizaines de millénaires, la créature rêvait tandis que son esprit dérivait dans la réalité. Sous cette forme onirique, il pouvait se rendre où bon lui semblait dans toute l'étendue de la galaxie. Le présent lui était entièrement accessible, mais il pouvait aussi se promener dans le passé. Dans son passé. Lors de sa prime jeunesse, l'être avait été un humain. Cet époque était lointaine, et la créature ne savait plus vraiment si ces événements tenaient du rêvé ou du vécu, mais il lui semblait qu'il avait été un humain. Il fut parmi les premiers de son espèce à conjecturer l'existence des dieux sombres, et lorsqu'il finit par avoir la certitude de leur existence et de leurs pouvoirs, il fonda la première église humaine à leur être dédiée. Ou plutôt, comme il l'apprit bien plus tard, la première église noire dont ses contemporains se souvenaient. Bien que ces derniers ne l'écoutaient que peu, car ils le rejetaient et le considéraient comme un dément, il sembla que les quelques efforts infructueux de l'humain plurent aux Dieux et ils finirent par le récompenser en lui accordant la forme immortelle d'un prince démon. Mais en plus de lui donner accès à l'immortalité, les Dieux lui montrèrent qu'il existait tout un univers en dehors de sa planète. Pendant des siècles, à moins que ce ne soient quelques semaines, l'être avait affronté les ennemis de ses Dieux sur des milliers de mondes et aux côtés de leur légions immortelles de démons et d'êtres de chair divers qui les avaient rejointes. Au fil de ses conquêtes, il soumit nombres de planètes, et finit par se forger un royaume au sein de systèmes planétaires reclus. Puis comme tous les rois, il s'était construit un palais, où la réalité était déchirée par le warp et où les démons allaient et venaient librement. Pendant tout le temps que cela dura, des minutes ou des années, le démon était puissant. Puissant mais pas invincible, et sa perte vint de son arrogance. Jamais durant ses conquêtes les peuples soumis ne lui avaient résisté, jamais ils n'avaient cherché à se rebeller. Alors, là où le démon s'était établi, il n'avait pas pris la peine de nettoyer de la planète et avait laissé ceux qui habitaient là en vie Mais les autochtones, d'abord effrayés par sa toute puissance puis haineux vis à vis de cet être qui les tenait pour moins que rien et enfin excéder par les disparations répétées de leurs proches, s'étaient soulevés contre leur invité indésirable. Aidés par leurs prêtres et de mystérieux êtres encapuchonnés, ils avaient bannis le Warp de leur planète. Nombre d'entre eux étaient morts face aux démons, mais finalement les êtres immortels avaient tous été repoussés. Tous, sauf la créature. Les êtres encapuchonnés avaient alors suggéré de réaliser un sortilège d'emprisonnement. Même si l'esprit du démon continuerait d'être libre, son corps serait enchaîné dans ce qui était autrefois son palais et désormais sa prison. Mais lorsqu'ils avaient proposés cet accord aux indigènes, les mystérieux êtres ne les avaient pas informés du prix à payer. L'entière population de la planète fut consumé en tant que victimes sacrificielles nécessaires à l'enchantement. Lorsque, passé la première surprise de cette captivité nouvelle, le démon avait commencé à arpenter son monde en rêve, il n'avait trouvé personne. Même les mystérieux êtres encapuchonnés avaient disparu sans laisser de traces. Après avoir fouiller la planète de fond en comble pendant quelques secondes millénaires, la créature était finalement revenu à sa prison. Gravissant en songe les marches de marbre blanc comme l'avaient fait par le passé nombre de ces invités démoniaques, il arriva devant la lourde triple porte en bronze et lut sur les scellés enchantés quels sorts le confinaient ici. Par goût prononcé de l'ironie, à moins que ce ne soit par manque de connaissances ésotériques, les sortilèges jetés par ces geôliers étaient diablement simples à rompre pour un être extérieur à la prison. Mais tous les systèmes alentour étaient complètement déserts, le warp était bannis de la planète et aucun des empires stellaires que le démon n'avait vu n'était assez proche ou assez crédule pour succomber à ses promesses et venir rompre les sceaux. La préférence du démon pour l'éloignement l'avait condamné à un emprisonnement qui serait sans doute séculaire. Mais depuis longtemps le temps lui-même n'était plus qu'abstraction pour cet être, et son esprit n'était pas emprisonné.
De plus, ces scellés lui apprirent aussi sous quel nom la galaxie le connaissait. Désormais, pour ses habitants, il serait Princeps Sacerdotum. Alors, Sacerdotum quitta en esprit sa planète et partit visiter la galaxie. Il vit l'empire Eldar grandir, s'étendre, sombrer dans la décadence et enfin s'effondrer sur lui-même. Il sentit le cri de Slaanesh lorsque se dernier vint à la vie et il vit l’Œil de la Terreur se former. Il assista à la reconquête de Terra par l'empereur-charogne. Il tira un malin plaisir de la dispersion des embryons des primarques par les Dieux Sombres. Il arpenta les champs de bataille de la Grande Croisade aux côtés des premiers Space Marines et partagea la douleur des renégats à la mort d'Horus. En rêve, il vit l'Imperium s'étendre pendant qu'en même il se refermait sur ses connaissances technologiques passées. Lorsque les premiers organismes extra-galactiques nommés Tyrannides marchèrent sur Maccrage, il marcha à leurs côtés. Lorsque des Nécrons s'éveillèrent au milieu du Sanctuaire 101, il se régala de la mort des pitoyables sœurs de bataille de la même façon qu'on se régale d'un met succulent. Il admira pendant quelques temps l'expansion des Tau, leur ascension vers la plus haute technologie, et il trouva leur façon de pensée très intéressante. L'une des distractions favorites était d'observer les raids commis par les Eldars noirs pour récolter leur précieuse souffrance, ainsi que les attaques surprises et énigmatiques de leurs cousins moins dégénérés mais obsédés par leur survie à tout prix. Il étudia longtemps les Orks, cherchant en vain à les comprendre, et finit par conclure que leur ouvrir l'esprit sur le culte du sanglant Khorne pourrait donner des résultats plus qu'intéressants. Mais surtout, il prit grand intérêt à suivre les croisades noires du nouveau Maître de Guerre. Cependant, ces échappés oniriques l'avaient peu à peu éloigné de son ancien palais, et il avait même fini par oublier qu'il avait un temps eu un corps. Mais un jour, pour la première fois depuis bien longtemps il avait sentit quelque chose. Une personne venait de rompre le premier des liens qui l'entravaient, et son palais était de nouveau arpenté par un être vivant, comme cela avait été le cas de brèves éternités auparavant. L'excitation le gagnait, et il ramena son esprit à son ancienne demeure. Il avait hâte. Hâte de voir qui l'avait finalement retrouvé. Hâte de voir comment sa planète avait changée. Hâte d'habiter à nouveau son corps. Hâte de faire connaître à la galaxie le goût amer de sa vengeance.